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Kader Belarbi: «Je veux qu'il y ait des danseurs étoiles au ballet du Capitole»


Télescopage. Pour atteindre le studio de répétition du ballet du Capitole, zone de Montaudran à Toulouse, il faut d'abord longer un camp de gens du voyage où du linge flotte sous la pluie, et trouver, au premier étage d'un bâtiment impersonnel, un groupe d'hommes et de jeunes femmes en haillons de théâtre, danser pieds nus comme des enfants de rue. C'est la répétition costumière de «Cantata»*, brûlante danse chorale de Bigonzetti, qui sera donnée de mercredi à dimanche prochains à la Halle aux Grains...

Ce nouveau spectacle suit de près votre création de «Casse-Noisette», qui a connu un grand succès pendant les fêtes !

Oui, les danseurs n'ont pas pu se reposer à Noël, et ils doivent encore attendre fin janvier pour une semaine de vacances. Pour parler de Casse-Noisette, on a rempli à 99 %, l'accueil a été formidable et il y a eu de la recette. J'en suis heureux et fier pour mes danseurs parce que ce spectacle porte leur signature. De plus, des programmateurs sont venus le voir, et on nous le réclame déjà en France et à l'étranger. Une création est toujours un saut dans l'inconnu, et ce Casse-Noisette, que j'ai dédié à mes filles et à mon fils, est inhabituel. Je voulais absolument m'adresser à des enfants et à des adultes et jouer sur les contrastes entre le sombre et le merveilleux, puisqu'il y a dans l'enfance à la fois de la cruauté et de la féerie.

Les danseurs avaient les pieds soudés ou un bras coincé, aimez-vous les empêcher de bouger ?

Non, pas du tout, mais je crois beaucoup au corps, comment il peut se déplacer dans l'espace malgré la contrainte, et participer à une histoire. Si j'avais pu, j'aurais enfermé les danseurs dans des paquets cadeaux puisqu'il est question de jouets. Quand j'étais enfant, mes soldats de plomb, plutôt en plastique d'ailleurs, avaient les pieds sur un socle, j'ai voulu retrouver ça dans le spectacle.

En cinq ans, en quoi avez-vous changé la compagnie ?

Je souhaitais le doter d'un répertoire, c'est en train de se faire avec une quarantaine de nouvelles pièces. Je veille aussi à redonner des spectacles : «Cantata», de Mauro Bigonzetti, qu'on redonne cette semaine est une reprise de 2015. C'est intéressant économiquement, parce que je reste dans le budget, ça l'est aussi pour les danseurs qui ont mûri depuis trois ans ou pour les nouveaux qui se révèlent. Mais il faut trouver une cohérence aux reprises, je l'ai trouvée en l'associant à une autre pièce italienne, «Les Liaisons dangereuses», de Davide Bombana. Aujourd'hui, nous avons un ballet qui rayonne en Occitanie et dans le monde, de Pézenas à Paris, où on s'est produit pour la première fois avec «Le Corsaire», et à Rio et Sao Paulo, où on ira en avril.

Le ballet est le deuxième de France, Pourquoi n'a-t-il pas d'étoiles ?

Je veux qu'il y ait des étoiles au ballet du capitole, mais le règlement intérieur ne l'autorise pas actuellement. Je n'ai jamais très bien compris pourquoi il y avait du quart-de-soliste, du demi-soliste, du premier soliste. Si je demande un demi au café je sais ce que c'est, un demi-soliste je ne vois pas ! Je dis souvent qu'il y a des premiers solistes qui n'ont pas à rougir à côté de certaines étoiles, j'espère donc qu'un jour nos danseurs pourront avoir la consécration du titre d'étoile, certains le méritent. Il faut modifier un point du règlement intérieur , et les choses sont lentes parfois... Un premier cycle de cinq saisons a permis de poser des fondations, j'ai envie que le deuxième cycle soit pour les danseurs, qu'on les connaisse et qu'on les reconnaisse.

Le ballet du Capitole, classique ou pas ?

Je connais trop les commérages, les polémiques sur les références classique, contemporain, jazz, etc. Nous formons un ballet tout court, avec des danseurs qui ont une réponse à toutes les expressions de chorégraphes aux esthétiques diverses. Mais ce qui nous définit, c'est qu'il y a un vocabulaire académique, un abécédaire, qui est donné ici tous les matins. Après, on peut prendre toutes les routes !

En mars, vous donnerez «Carmen», de Roland Petit. Etes-vous tenté de changer la fin pour sauver l'héroïne, comme à l'opéra de Florence ?

Ah ! doit-on transformer la fin d'un grand mythe ?... Je pense que l'art est liberté d'expression, il y a les purs et durs qui ne veulent pas changer quoi que ce soit et d'autres qui l'acceptent, là-dessus j'ai une grande tolérance. Mais je ne toucherai pas à «Carmen» parce que Roland Petit est resté dans le mythe, et moi qui ai eu la chance de le côtoyer et de danser ses ballets avec Marie-Claude Pietragalla, j'ai envie de transmettre ce savoir.

Toulousain depuis bientôt six ans, qu'est-ce qui vous séduit encore ici ?

Je suis rentré jeudi de Paris, chaque fois que j'arrive à Toulouse, je trouve les gens accueillants et plus posés. Et ça commence et ça finit toujours avec plaisir.

Vos rites du dimanche ?

Il y a eu le jardin des plantes quand les filles étaient toutes petites, la piste cyclable sur le canal du Midi, puis de belles randonnées sur les coteaux aux portes de la ville. Il y a un endroit que j'aime particulièrement le dimanche, c'est le marché Victor-Hugo, j'adore voir les morceaux de viande de M.Marty, qui ont 30,60 ou 90 jours et qu'il appelle Roger ou Ernestine.

A Toulouse aussi, le festival contemporain de «La place de la danse» commence cette semaine...

(Il prend le programme, le feuillette) Ah Rachid Ouramdane, très bon chorégraphe, je connais bien Christophe Rizzo aussi, Pierre Rigal bien sûr, et j‘aimerais voir Samuel Mathieu, mais vous savez que le ballet du Capitole est en scène du 24 au 28, et comme j'assiste à toutes les représentations, ça limite mes autres sorties !

Jusqu'à quand resterez-vous au Capitole ?

Je vis l'instant ! J'ai des appels du pied de certains endroits, mais actuellement je suis bien à Toulouse, je raconte mon histoire ici. Je me dis éternel de rien du tout et présent à l'instant.

« Les liaisons dangereuses », et « Cantata », du 24 au 28 janvier à la Halle aux grains de Toulouse, de 7 € à 45 €, tél.05 61 63 13 13.

Propos recueillis par Pierre Mathieu

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